Premier long-métrage de Seydou Boundaone, «Le sermon des prophètes» traite du terrorisme au Burkina Faso.
En usant du discours direct dans le but de sensibiliser au fléau dévastateur du terrorisme, le réalisateur burkinabé tente de dévoiler la face cachée de l’iceberg. Nous l’avons rencontré. Entretien.
Comment vous est venue l’idée du film ?
L’idée m’est venue trois ans après l’avènement du terrorisme au Burkina Faso. Le pays a été, depuis 2016, bloqué par l’insécurité et la violence. Les terroristes tuent des familles, des enfants, des soldats. Je me suis dit qu’est-ce que je peux faire en tant qu’artiste. J’ai donc écrit le scénario pour sensibiliser la population et surtout les jeunes à ce fléau dévastateur qu’est le terrorisme. Je me suis dit, contrairement aux médias, j’ai toute la latitude et le temps, et sans autocensure aucune, de m’exprimer sur ce sujet.
On constate, en voyant le film, que le problème est très complexe et quasi inextricable.
Oui, c’est très complexe car il y a le côté caché de l’iceberg. On se dit que l’armée pourrait être la solution, mais non car il existe plusieurs intérêts superposés de plein de gens et d’autres parties qui veulent tirer profit de cette situation.
Aujourd’hui, beaucoup de terroristes recrutent dans la communauté Peuls musulmane qui se trouve sur le Sahel. Les recruteurs invoquent surtout la pauvreté, l’injustice et la marginalisation pour convaincre les jeunes et autres adultes de cette communauté à suivre leur voie en leur disant «On va changer le monde». Ils font du lavage de cerveaux pour leurs propres intérêts et profits, puisque les chefs terroristes et leurs complices font du trafic de toutes sortes : cigarettes, or, vente de bétails, cornes de rhinocéros, etc.
Ne pensez-vous pas que l’instabilité politique au Burkina Faso favorise le développement du terrorisme ?
Oui, absolument. Si le pays était plus stable, sans tous ces coups d’Etat, il y aurait une politique plus viable et plus efficace contre le terrorisme. Car chaque gouvernement qui vient après un coup d’Etat repart à zéro pour établir sa stratégie contre le terrorisme.
Pensez-vous que le procédé du discours direct est efficace pour sensibiliser la population au danger du terrorisme et que, par-delà, le cinéma peut changer les choses ?
Oui, assurément. La population entière est concernée, entre jeunes, adultes, politiques et autres. Donc, je vais droit au but en utilisant un discours direct qui interpelle tout le monde. Le cinéma est un art qui interpelle et sensibilise les gens à toutes sortes de problèmes. Justement, sensibiliser les gens au fléau du terrorisme par le cinéma est mon but.
Le traitement du film néglige quelque peu la forme au profit du fond. Pourquoi ce choix ?
Le sujet est très chaud et il faut le traiter à vif en évitant de trop se focaliser sur la forme cinématographique. L’important à mes yeux est d’exposer, dans l’urgence, le sujet de marnière simple et facile à comprendre.
Y a-t-il un espoir de voir la situation changer au Burkina Faso, bien que le film se termine par une scène dramatique?
Oui, il y a toujours un espoir de voir les choses changer dans le pays et de vaincre le terrorisme par une stratégie politique. Mais je pense que les arts et la culture contribuent beaucoup au changement par la sensibilisation.
Quel est le budget du film ?
Le budget est de 444.000 euros. Mon film a reçu l’aide du Fdct (Fonds de développement culturel et touristique) et le soutien de l’Union européenne à travers le Faigc (Fonds d’appui aux industries et à la gouvernance culturelle). Et les JCC sont le premier festival auquel participe mon film.
Combien de films le Burkina Faso produit-il par an ?
Trois films par an du genre cinéma d’auteur, mais les jeunes font aussi des films fast-food pour les salles de cinéma. Il y a encore du chemin à faire pour développer la production cinématographique dans les pays africains par des stratégies politiques efficaces et fructueuses.